La levée des brevets sur les vaccins contre la Covid-19 : une fausse bonne idée ?
Contexte
Alors que la demande en vaccins contre le SRAS/COV2 s’accroît, une éventuelle « levée des brevets » sur les technologies permettant la fabrication des vaccins contre la Covid-19 fait débat. Les défenseurs d’un tel recours plaident pour une augmentation de la production de vaccins qui plus est, ont été financés, en partie, par l’argent public. La levée de ces brevets permettrait également de bénéficier aux pays plus défavorisés dont l’apport en vaccin dépend des états producteurs.
Les brevets sont-ils un frein à la production de vaccins ?
Selon les entreprises pharmaceutiques et les spécialistes de la propriété intellectuelle, le réel obstacle quant à l’augmentation de la production des vaccins n’est pas la protection des brevets mais les difficultés de maîtrise de la technologie et du savoir-faire notamment pour produire l’ARN messager entrainant des retards et des problèmes de qualité, des délais d’obtention des autorisations réglementaires et de distribution, et des potentiels problèmes d’approvisionnements en matières premières qui seraient davantage importants si s’ajoute aux actuels fabricants, l’arrivée de nouveaux concurrents.
Des solutions déjà existantes
Si le terme « levée des brevets » n’a pas de sens en tant que tel, des procédures ont d’ores et déjà étaient mises en place afin de faciliter la production de vaccins. En effet, le Traité sur les ADPIC (i.e. aspects des droits de propriété intellectuelle concernant le commerce) adopté depuis 1994, prévoit le mécanisme de la licence d’office dans l’intérêt de la santé publique. Grâce à la licence d’office, le titulaire de brevet peut être contraint de concéder une licence rémunérée à d’autres laboratoires si sa capacité de production de vaccins n’est pas suffisante. Un tel dispositif était déjà utilisé dans le cadre de la lutte contre certaines maladies infectieuses (VIH, Ébola etc.) au sein des pays moins développés ou en voie de développement. Il est désormais évident que l’utilisation des licences d’offices soit généralisée afin d’accélérer l’endiguement de la pandémie causée par SRAS/COV2.
Enfin, suite à la décision du Directeur général de l’INPI (i.e. Institut National de la Propriété intellectuelle) n°2021-65 du 21 avril 2021, la délivrance accélérée des demandes de brevets et des certificats d’utilité relatifs aux traitements ou dispositifs anti Covid-19 ou à son diagnostic, a été instaurée. Celle-ci prévoit de délivrer dans le délai de vingt-quatre mois à compter du dépôt, les demandes de brevets éligibles. Une telle accélération vise à participer à l’effort pour vaincre la pandémie actuelle, et ne concerne que les traitements ou dispositifs anti Covid-19 ayant donné lieu à une AMM (i.e. Autorisation de Mise sur le Marché), une demande d’essai clinique, ou à une demande d’évaluation de conformité (marquage CE).
Des exceptions à la brevetabilité
La CBE (i.e. La Convention sur le brevet européen) ne définit pas « l’invention » en tant que telle, mais donne une liste non exhaustive de ce qui ne peut être considéré comme une invention. Même si, afin qu’un brevet soit délivré à une invention, peu importe son domaine technologique, cette dernière doit être nouvelle, impliquer une activité inventive et être susceptible d’application industrielle, certaines « inventions » dérogent à la règle.
D’après l’article L611-16 CPI : « Ne sont pas brevetables les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal. ». L’exception à la brevetabilité s’inscrit dans une démarche de protection de l’exercice de la médecine. En effet, l’objectif visé est d’assurer que l’exercice de la médecine ne soit pas entravé par des brevets.
Ainsi, tout brevet impliquant des méthodes chirurgicales réalisées par le praticien, des méthodes de traitements (curatifs ou prophylactiques) ou des méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal, n’est pas brevetable. A titre d’exemple, l’OEB (i.e. L’Office Européen des Brevets) fait référence à un procédé de fabrication d’une endoprothèse en dehors du corps humain, qui exige la mise en œuvre d’une étape chirurgicale pour prendre les mesures, et qui est non brevetable.
Néanmoins, les instruments et appareillages chirurgicaux, thérapeutiques ou de diagnostic devant être utilisés dans ces méthodes ne sont, quant à eux, pas exclus de la brevetabilité.
Source:
Décision de l’INPI 2021-65 relative à la délivrance accélérée des demandes de brevets ayant pour objet un traitement au diagnostic ou au traitement de la COVID